DE
L'ENTOMOLOGIE A LA MÉDECINE :
LA
LEISHMANIOSE
DANS LE
DÉPARTEMENT DES PYRÉNÉES-ORIENTALES
Par le Docteur Jacques
COMELADE
Cette
affection très localisée en France à quelques foyers méridionaux (Cévennes,
Ardèche, Provence) a été signalée pour la première fois dans les
Pyrénées-Orientales en 1920 par P. Ravaut; depuis cette date, la présence de la
leishmaniose dans les P.O. a été confirmée et les cas se sont multipliés depuis
les années 1980.
DÉFINITION
La
Leishmaniose est une maladie parasitaire due à un protozoaire flagellé du genre
leishmania, transmise à l'homme par la piqûre d'un vecteur en l'occurrence un
diptère hématophage du genre Phlebotomus.
Cette
maladie se présente, sur le plan clinique sous deux formes :
-
une forme cutanée
-
une forme viscérale ou généralisée.
ÉPIDEMIOLOGIE
A
- Le vecteur.
Il
s'agit d'un diptère (une seule paire d'ailes fonctionnelle, métamorphoses
complètes) du sous-ordre des Nematocéres (antennes de 10 articles au moins) de
la famille des Psychodidae et du
genre Phlebotomus.
Une
étude menée en 1983-1984 par l'équipe du Professeur Rioux de Montpellier a
permis de recenser les espèces rencontrées dans les P-O.; les captures ont été
effectuées par la méthode des pièges adhésifs (feuille de papier de 20 cm sur
20 cm imprégnée d'huile de ricin).
De
la côte au col d'Ares en suivant la vallée du Tech, les espèces rencontrées sont
par ordre de fréquence décroissante :
- Sergentomyia minuta (10048 exemplaires)
- Phlebotomus ariasi (2667 ex.)
- Phlebotomus perniciosus (911 ex.)
- Phlebotomus sergenti (6 ex.)
- Phlebotomus mascittii (3 ex.)
Ce
petit diptère (2 à 2,5 mm) bossu à l'oeil noir, au vol silencieux et maladroit,
a une activité vespérale et nocturne surtout lors des soirées orageuses de
l'été, sa petite taille lui permet de se glisser à travers une moustiquaire
classique, sa piqûre est douloureuse mais ne laisse pas de trace.
Seule
la femelle pique car elle est hématophage. Le phlébotome se déplace sur de
courtes distances, ses larves, terrestres, se localisent volontiers dans les
murs délabrés, les anfractuosités du sol, les terriers, les étables, elle sont
saprophages.
B
- L'agent pathogène.
On trouve dans les département des P-O.:
- Leishmania infantum responsable de la forme cutanée,
- Leishmania donovani responsable de la forme viscérale.
Le protozoaire existe sous deux formes :
- une forme mobile, flagellée, qui
est la forme transmise par l'insecte aux vertébrés,
- une forme intracellulaire présente
chez les vertébrés infectés.
La multiplication du parasite se fait
par scissiparité pour les deux formes.
C
- Réservoirs du virus et localisation.
Dans
ce département il semble établi que le chien soit le principal réservoir de
virus car les prélèvements effectués chez les rongeurs locaux ont été négatifs;
le Renard n'a pas été étudié à ma connaissance. Les cas de leishmaniose se
rencontrent de nos jours dans les trois vallées avec une prédominance pour la
vallée du Tech entre 150 et 500 m d'altitude autours de Céret. Dans la vallée
de la Têt quelques cas ont été signalés entre Prades et Millas; enfin,
récemment, des cas ont été décrits dans la vallée de l'Agly (Estagel, La Tour
de France).
Dans
les Pyrénées-Orientales, le foyer de leishmaniose canine est géographiquement
et écologiquement superposable au foyer de leishmaniose cutanée et viscérale
humaine.
Du
point de vue botanique, le biotope renferme toujours des chênes : chêne liège,
chêne blanc, chêne vert (alzina en catalan) avec une prédominance pour
l'association chêne liège/chêne vert.
D
- Le mode de contamination.
La
piqûre du phlébotome est le mode de transmission habituel du parasite, localisé
dans les glandes salivaires du diptère (il faut 8 jours pour que l'insecte qui
pique un chien infecté soit contaminant pour l'homme).
L'autre
mode de transmission se fait par contact direct de lésions cutanées.
LES FORMES CLINIQUES
Dans
les P-O., on rencontre principalement la forme cutanée mais quelques rares cas
isolés de forme viscérale ont été rapportés.
A
- La forme cutanée.
Dû
à Leishmania infantum, elle touche
principalement des enfants.
L'incubation est variable, de 20 jours à 7 mois en
moyenne.
Les lésions cutanées se localisent aux parties
découvertes (visage, avant-bras, jambes); l'expression clinique est polymorphe
:
-
forme ulcérée ("bouton d'Orient" classique), c'est une lésion unique
de 1 cm de diamètre environ avec une croûte épaisse bien implantée au centre,
un bourgeon charnu et un bourrelet inflammatoire périphérique.
-
forme impétigoïde, il s'agit de lésions multiples ressemblant à un impétigo.
-
forme lupoïde non ulcérée, plaque érythémateuse avec plusieurs tubercules.
-
forme sarcoïdosique.
B
- La forme viscérale.
Due à Leishmania donovani, mais peut-être aussi à partir de Leishmania infantum.
Quelques
cas ont été observés dans les P-O.. Le diagnostic est difficile car il s'agit
d'un tableau qui peut égarer le médecin vers une leucémie.
On décrit une fièvre qui dure
plusieurs semaines, une anémie hypochrome avec leucopénie et thrombopénie puis
une splénomégalie importante et des polyadénopathies; si le diagnostic n'est
pas fait, l'évolution est fatale avec des hémorragies cutanées, muqueuses et
digestives.
CONCLUSION
Bien
implantée dans notre département, la leishmaniose humaine reste heureusement
rare et sans commune mesure avec l'importance de la leishmaniose canine.
Compte-tenu
des caractéristiques de cette maladie, nous pouvons évoquer quelques
recommandations prophylactiques :
-
dépistage et traitement des cas de leishmaniose canine,
-
déclaration obligatoire des cas tant humains qu'animaux,
-
protection mécanique ou chimique contre les phlébotomes dans les zones à risque (camping sauvage).
Des
zone d'ombre laissent le champ libre à la recherche car le cycle parasitaire
demanderait à être précisé à différents niveaux :
-
meilleure connaissance des phlébotomes,
-
détermination du ou des réservoirs sauvages,
-
facteurs favorisant l'éclosion de la maladie chez l'homme.
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